La chirurgie thyroïdienne
Qu'est-ce qu'une thyroïdectomie ?
La thyroïdectomie totale consiste à enlever, comme son nom l’indique, la totalité de la glande. Celle-ci est alors adressée au laboratoire d’anatomopathologie pour examen histologique.
La lobectomie consiste à enlever un des deux lobes de la thyroïde. En fonction du contexte et si un risque cancéreux est fortement suspecté (BETHESDA V) un examen histologique au cours de l’intervention chirurgicale (extemporané) est effectué. En fonction du résultat, l’opération peut se limiter à l’ablation d’un seul lobe ou au contraire être étendue à l’autre côté si la nature des cellules, la taille du nodule et/ou la présence de ganglions le justifient.
En cas de pathologie maligne, un geste chirurgical cervical ganglionnaire peut être associé à la thyroïdectomie.
Comment se déroule l'intervention ?
En pratique : l’intervention chirurgicale se déroule sous anesthésie générale avec intubation.Ce n’est pas une intervention très hémorragique et des transfusions sanguines ne sont donc pas nécessaires.
L’incision cutanée est tracée à la base du cou, horizontalement, idéalement dans un pli naturel de la peau et mesure entre 5 et 7 cm de longueur selon le volume de la glande et le geste chirurgical indiqué. La durée de l’opération est d’une à deux heures ; un peu plus longue si un geste ganglionnaire cervical associé est indiqué. Selon les conditions chirurgicales et d’hospitalisation, en fin d’intervention un ou deux drains aspiratifs sont mis en place pour diminuer le risque d’hématome ; ils seront retirés dès le lendemain.
Le mode d’hospitalisation est soit ambulatoire, c'est à dire sans nuit d'hospitalisation, dans le cadre d'une lobectomie ; soit avec une nuit d’hospitalisation en cas de thyroïdectomie totale.
Le geste chirurgical et les suite post opératoires sont la plupart du temps simples, c’est-à-dire que les complications sont rares mais méritent d’être connues.
Quelles peuvent être les éventuelles complications d'une thyroïdectomie ?
Les complications peuvent être d'ordre différent.
Le nerf laryngé inférieur (nerf récurrent) permet l’ouverture et la fermeture des cordes vocales. Ce nerf très fin passe à la face profonde de la glande thyroïde avant de pénétrer dans le larynx et doit être séparé de la glande au cours de l’intervention. L’intervention peut parfois entraîner une irritation, un étirement ou une lésion du nerf exposant le patient à une altération de la voix en cas d’atteinte unilatérale, à un risque de difficulté respiratoire en cas d’atteinte bilatérale. L’atteinte du nerf est rare et le plus souvent transitoire. Les atteintes définitives sont de l’ordre de 1 à 2 %. Pour parfaitement identifier le nerf et son trajet et ainsi diminuer le risque d’atteinte nerveuse, on utilise systématiquement un appareil de monitoring nerveux qui permet tout au long de la procédure chirurgicale de connaître l’état fonctionnel du nerf. Ce système est une aide au repérage et à la préservation du nerf. Il permet de diminuer l’incidence des atteintes nerveuses et de connaître l’état fonctionnel du nerf du premier côté opéré avant de se consacrer au deuxième (en cas de thyroïdectomie totale) et ainsi d’éviter la complication redoutable d’une paralysie bilatérale. Une modification de la voix (tonalité plus grave, difficulté à monter dans les fréquences aigues et à chanter) est souvent observée après la chirurgie. Elle est le fait de l’irritation d’un nerf accessoire (nerf laryngé supérieur) et s’estompe la plupart du temps en quelques semaines. En cas de gêne importante ou durable, une rééducation orthophonique peut être entreprise.
Les glandes parathyroïdes sont de petites glandes situées au contact de la glande thyroïde et responsables du métabolisme du calcium. Lors d’une thyroïdectomie totale ces glandes sont exposées à un risque de dévascularisation et donc de dysfonctionnement. L’atteinte définitive est rare ; l’atteinte transitoire plus fréquente uniquement en cas de thyroïdectomie totale. Elle justifie de prendre du calcium et parfois de la vitamine D exceptionnellement pendant plus de quelques semaines à quelques mois.
L’utilisation du bistouri d’ultracision (lame vibrante ultrasonic) au lieu d’un bistouri électrique traditionnel permet, par la réduction de la diffusion thermique et par la carbonisation et l’absence de passage d’électricité donc de stimulation neuromusculaire, de réduire significativement : les pertes sanguines per et post opératoires, la douleur ressentie par le patient, la durée opératoire et d’hospitalisation, l’hypocalcémie transitoire consécutive à une thyroïdectomie totale, le risque de brûlure des structures nerveuses. Les risques d’hémorragie et d’infection inhérents à toute intervention chirurgicale sont très rares mais peuvent justifier d’une réintervention chirurgicale pour évacuer un hématome ou drainer un abcès.
La cicatrisation cutanée se fait en général dans de bonnes conditions et l’aspect définitif est obtenu en quelques mois. Afin de rendre la cicatrice la plus esthétique possible, la moins disgracieuse et la moins gênante, on utilise de la colle cyanoacrylate pour fermer la peau. Cette colle permet au patient de prendre des douches dès le lendemain de l’intervention chirurgicale et est enlevée au bout de 8 jours. Le port d’un pansement siliconé adhésif pendant le mois qui suit l’ablation de la colle donne d’excellents résultats esthétiques.
Quelles sont les suites d'une chirurgie de la thyroïde ?
En cas de thyroïdectomie totale, la prise quotidienne d’hormones thyroïdiennes par voie orale est obligatoire pour pallier l’absence de la glande thyroïde. La dose est adaptée à l’âge et au poids du patient.
En cas de thyroïdectomie partielle, la partie de la thyroïde qui a été laissée en place suffit la plupart du temps (80 % des cas) à assurer une sécrétion hormonale suffisante et ne justifie donc pas de traitement complémentaire. Un dosage sanguin de la TSH un mois après la chirurgie permet de savoir si une substitution hormonale ou un traitement hormonal complémentaire sont nécessaires ou si la substitution est bien adaptée.
En cas de cancer thyroïdien différencié supérieur à 2 cm, un complément de traitement par iode radioactif (totalisation isotopique) est nécessaire. Le traitement justifie l’ablation complète de la thyroïde au préalable. La scintigraphie thérapeutique sera effectuée, lorsqu’elle est nécessaire, dans les mois qui suivent l’intervention chirurgicale.
Sources & crédits
N. JULIEN, I. MOSNIER, A. BOZORG GRAYELI, P. NYS, E. FERRARY, O. STERKERS. Monitoring per opératoire du nerf récurrent au cours de la chirurgie thyroïdienne et parathyroïdienne : étude prospective. Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale 2012 , 129 : 90-97
Intra operative laryngeal nerve monitoring during thyroidectomy and parathyroidectomy, a prospective study. European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck diseases 2012, 129 : 69-76
N. JULIEN, E. FERRARY, A. SOKOLOFF, G. LAMAS, O. STERKERS, D. BERNADESCHI. Monitorage per opératoire des nerfs vagues et récurrents au cours de la chirurgie thyroïdienne et parathyroïdienne. Annales françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (sous presse)
Vagal and recurrent laryngeal nerves neuromonitoring during thyroidectomy and parathyroidectomy : a prospective study. European Annals of Otorhinolaryngology, Head and neck diseases 2017, 134 : 77-82